L’enfant n’a qu’un objectif : grandir pour devenir enfin un adulte. Le paradoxe, c’est que lorsqu’il parvient à ses fins, l’adulte se met à la recherche de son enfant intérieur afin de retrouver son insouciance et sa liberté.
Grandir, c’est s’agrandir
Le jeune enfant n’est pas encore influencé par le monde adulte, il est totalement insouciant et n’a aucune inquiétude. Dans sa bulle, il joue, il rêve et profite de chaque instant avec comme seul but : prendre du plaisir. Progressivement, il va chercher à comprendre pour grandir, il va entrer dans la matrice du monde adulte, remplacer son intuition par le mental, le plaisir par le combat et ainsi, connaître ses premières peurs et blessures.
Qui d’entre nous n’a pas triché sur son jeune âge afin de paraître plus crédible, plus compétent, plus expérimenté ? Nous avons envie que cela aille plus vite afin d’accroître le sentiment de liberté qui est une fausse promesse des adultes car en réalité, personne n’est plus libre qu’un enfant.
L’enfance est une période intense d’apprentissages multiples. Notre cerveau est en pleine construction, nos antennes sensorielles et émotionnelles se développent avant de se déployer.
Cette révolution intérieure physique, physiologique et psychologique nous demande beaucoup d’énergie et va forger notre personnalité d’adulte.
Vieillir, ce n’est pas se réduire
Notre société est adepte de l’âgisme tant la jeunesse est valorisée à l’extrême : la beauté jeune, les idées jeunes, l’apparence jeune. En fait, on ne considère pas la vieillesse comme un âge mais comme une défaite, une maladie qui conduit à la mort.
En réalité, l’enfance et la vieillesse sont des périodes de vie majeures qui se rejoignent car dans les deux cas, ils marquent le début d’autre chose.
A l’aube de son départ vers d’autres cieux, l’homme jouit d’une connaissance et d’une expérience immense. Son énergie est certes moins élevée mais ses besoins sont aussi moins importants. Si aucun travail spirituel n’a été effectué en amont, cela peut malheureusement être le temps de la nostalgie, de la frustration, voire des regrets. En revanche, si l’être a fait l’effort de développer son esprit, arrivera le temps du bilan, du repos et de la sagesse.
L’enfant est à l’intérieur
Les spécialistes de la psychologie conviennent que ce que nous avons vécu dans notre petite enfance détermine l'adulte que nous sommes. Nous portons les mémoires, négatives et positives de notre enfant intérieur.Sa clandestinité fait que trop souvent, nous ne l'entendons pas. Et pourtant, il nous parle. Il exprime son insouciance, sa fraîcheur, sa liberté lorsque nous nous laissons aller à ce qui est trop souvent considéré comme de l’immaturité : rire aux éclats, jouer en permanence, prendre le temps de rêver, …
Naturellement, l’enfant exprime ses émotions, qu’elles soient positives ou négatives. Pourtant, il est vite confronté à des adultes, qui dans un souci d’éducation, lui apprennent à refouler ses émotions : pas de peur, pas de peine, pas de colère, pas de joie excessive, … Afin de ne pas déranger et respecter les convenances imposées par les adultes. Dans le but de plaire à ses éducateurs, l’enfant devenu grand refoulera ses émotions, son individualité avec tous les maux que cela entraînera dans sa vie d’adulte, du fait d’un manque de confiance et d’estime de soi.
Accéder à notre enfant intérieur
Selon Lise Bourdeau, spécialiste du développement personnel, il est possible et même souhaitable de prendre en compte notre enfant intérieur. Voici les trois étapes du processus de reconnexion à notre enfant intérieur :
- Comprendre son fonctionnement, c’est l’écouter et accepter que nos comportements délétères qui se répètent en général, proviennent de blessures vécues pendant notre enfance. Par exemple, il n’est pas étonnant qu’un enfant qui aura ressenti un manque affectif, recherche dans ses relations amoureuses, une fois adulte, cette affection qui lui a manquée. Il tentera de combler de façon excessive, ce déficit affectif intérieur en cherchant chez l’autre, ce qu’il n'a pas reçu.
- Se connecter à lui, c’est accepter son existence et communiquer intérieurement avec lui. C’est aussi s’autoriser à guérir nos blessures émotionnelles enfouies qui nous empêchent d’avancer. Ces cailloux, plus ou moins gros, glissés dans notre chaussure, qui nous gênent pour avancer et sont un frein à notre évolution.
- En prendre soin, c’est le rassurer comme on rassure un enfant. C’est aussi être entier et se défaire du sentiment d’incomplétude. C’est-à-dire prendre conscience que le bonheur ne dépend pas des autres et devenir pleinement responsable de son bien-être.
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Mon témoignage personnel
J’ai le sentiment d’avoir vécu une enfance heureuse qui m’accompagne aujourd’hui encore dans ma vie d’adulte. Le souvenir et le ressenti de mon état d’esprit d’enfant sont très présents chez moi. Tous ces jeux, avec des scénarios dignes de grands films, que j’inventais seul ou avec des amis, pendant de longs après-midi, avec comme seul matériel, quelques soldats de plomb ou quelques voitures miniatures. C’était ma manière de me connecter à un monde imaginaire sans limite. Les parties de football, de patin à roulettes ou de skateboard partagées avec mes amis. Ces instants où on se sent invincible, capable de toutes les performances. Où seuls comptent, le plaisir du moment présent et la camaraderie. J’ai le sentiment d’avoir préservé ces richesses inestimables, ces trésors si précieux, qui aujourd’hui encore, résonnent en moi comme des ancrages positifs.
Pour autant, comme tout un chacun, j’ai dû entrer dans le monde adulte et je n’ai pas été épargné par quelques blessures. Mais je crois avoir très tôt intégré que mes blessures pouvaient devenir des cadeaux si elles sont identifiées et prises en compte. Je suis convaincu que nos difficultés forgent nos armes pour nous permettre de les dépasser, voire de les transcender et au final, d’en faire des forces. J’ai aussi le sentiment que nous vivons les blessures que nous sommes capables d’affronter. En effet, il semble que les épreuves que nous réserve la vie ne sont pas distribuées au hasard. La philosophie bouddhiste, à laquelle je me suis beaucoup intéressé, considère que nous sommes sur terre pour vivre dans cette vie certaines expériences. Ces apprentissages nous permettent de nous élever et ainsi, d’arriver plus armés dans nos prochaines vies. Cette manière d’appréhender la vie m’a sans doute aidé à préserver mon âme d’enfant. C’est pourquoi j’exprime facilement mes émotions qu’elles soient positives ou négatives : je suis très joueur, parfois insouciant et aussi rêveur, … J’ai l’impression d’avoir dû résister au monde adulte pour en arriver là. Cela m’a d’ailleurs valu, notamment à l’adolescence, certaines tensions avec mes éducateurs. Ce parcours de vie m’a conduit sur le chemin de la confiance en moi, notamment en m’émancipant de plus en plus du regard des autres.
En fait, j’adore mon enfant intérieur. C’est probablement ce que j’aime le plus en moi. Parce que c’est ce qu’il y a de plus beau et de moins abîmé par le temps. Je le garde comme un secret enfoui pour ne pas le perdre, parce qu’il m’est utile chaque jour. J’aime à penser qu’il m’accompagnera jusqu’à la fin et qui sait, peut-être au-delà.
Vous l’avez compris, la connexion avec notre enfant intérieur nous aide à libérer le positif qui est en nous. Pour ce faire :
- Laissez vos propres enfants être des enfants
- Faites régulièrement des incursions dans le monde de votre enfance
- Ne soyez pas surpris du regard des autres qui vous préfèrent prisonnier de la matrice des adultes
- Entrez le plus souvent possible en contact avec votre enfant intérieur en lui parlant
- Prenez soin de lui car il fait partie intégrante de votre être.