En France, l’évaluation est trop souvent associée au jugement. C’est sans doute la raison pour laquelle nous redoutons cette pratique dès l’école et plus tard au sein de l’entreprise. Est-ce à dire que nous avons peur d’appréhender qui nous sommes vraiment ?
Evaluer n’est pas juger
L’évaluation permet d’apprécier la valeur d'une chose, d’une compétence, d’une stratégie, d’un résultat, …. C’est en effet le seul moyen à notre disposition pour prendre conscience du chemin accompli et mesurer celui qui reste à parcourir. L’évaluation est donc une pratique positive car elle est synonyme d’évolution et de progression.
Cette démarche ne se résume d’ailleurs pas à la sphère professionnelle. Elle est tout aussi légitime dans notre sphère privée, spirituelle, amoureuse, sportive,…
Si l’évaluation consistait en fait à se poser régulièrement des questions simples mais essentielles : à quoi sert mon action ? A qui profite-t-elle ? Les résultats sont-ils ceux que j’attends ? Comment améliorer mes pratiques ?
Bien sûr, plus elle est objective plus l’évaluation est facilitante en terme de progression car c’est grâce à la mesure de différents critères que l’individu peut focaliser son action et ainsi se développer. L’identification des critères à évaluer est donc tout aussi importante que l’évaluation elle-même. Le processus d’évaluation joue également un rôle important quant à la qualité de la démarche. Il est malgré tout difficile de supprimer totalement de l’évaluation une part de subjectivité. En effet, à partir du moment où l’évaluation est réalisée par des humains et non par des machines, les dimensions émotionnelle et relationnelle ne peuvent être totalement annihilées.
Il existe différents types d’évaluation :
- L’évaluation diagnostique : il s’agit d’évaluer les forces et les faiblesses d’une personne afin par exemple de créer une formation sur mesure en fonction des données recueillies.
- L’évaluation formative : son objectif est de surveiller l'apprentissage et d'obtenir du feedback afin d'identifier les lacunes et de savoir sur quoi se focaliser pour continuer la formation.
- L’évaluation sommative : elle vise à évaluer si les connaissances les plus importantes ont bien été acquises à la fin de la formation et de voir la manière dont elles sont mises en œuvre.
- L’évaluation normative : celle-ci sert à comparer les performances d’une personne à une norme moyenne.
- L’évaluation critériée : Elle sert à mesurer les performances d’une personne en fonction de critères prédéfinis afin d’évaluer un ensemble particulier de connaissances ou de compétences.
- Évaluation ipsative : ce type d'évaluation mesure les performances d’une personne en rapport à ses performances passées afin de l’inciter à s'améliorer.
L’entretien d’évaluation en entreprise
Mettons-nous dans la situation de la conclusion d’un entretien annuel d’évaluation des compétences entre un collaborateur et son manager. Le manager reformule les temps forts de l’entretien et tente d’identifier trois objectifs prioritaires sur lesquels son collaborateur va investir une année entière afin de progresser. D’après vous, ces trois priorités sont-elles plutôt choisies parmi les points forts du collaborateur ou au contraire, parmi ses points faibles?
En général, ce sont les points faibles du collaborateur qui sont priorisés par le manager. On parle d’ailleurs souvent de points d’amélioration. Malgré l’appui de formations correctrices qui se révèlent très souvent inefficaces, les managers font ce constat d’échec car ce sont toujours les mêmes points faibles qui émergent, en particulier chez les collaborateurs professionnellement matures. Plus qu’une pratique managériale, le fait de « miser sur les points forts » et plus généralement « sur ce qui va bien » est une logique de pensée qui n’est absolument pas naturelle. Est-ce notre culture judéo-chrétienne qui nous conduit à mettre l’accent sur ce qui ne va pas afin de le rendre meilleur ?
Ou tout simplement notre égo qui, en nous poussant à vouloir changer les choses, voire les personnes, nous donne l’impression d’exister.
L'évaluation des compétences professionnelles est avant tout un temps de rencontre, de connexion entre le collaborateur et son manager. S’il s’agit d’un outil de gestion des ressources humaines, c’est aussi un acte fondamental du management.
En terme d’évaluation, on observe trop souvent dans l’entreprise un mélange des genres qui crée de la confusion :
- Les résultats/ L’atteinte des objectifs
- Le comportement au travail / Le respect des valeurs
- Les compétences/ Les aptitudes
Pire encore, le fait de créer une relation entre l’évaluation des compétences professionnelles et l’augmentation annuelle de salaire donne à l’entretien annuel d’évaluation un caractère pécunier incompatible avec une mesure juste débouchant sur une logique de développement.
S’évaluer par rapport à qui ?
Comme le disait Talleyrand, le célèbre homme politique et diplomate français, « Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console »
La tendance générale est de s’évaluer par rapport aux autres, à un référentiel, à une norme, ...
Se comparer aux autres est la principale source de manque de confiance, de jalousie et d’envie. Plus vous vous comparez aux autres, plus vous devenez dépendant des autres et moins vous avez le pouvoir de prendre votre vie en main. Or, il est également important de s’évaluer par rapport à soi-même. C’est d’ailleurs la seule manière pour prendre conscience de notre évolution et de notre potentiel. Se connaître, comme nous l’enseigne Socrate depuis vingt-cinq siècles, c’est prendre la pleine mesure de ce qui rend notre vie unique et lui donne toute sa valeur.
Mon témoignage personnel
Pour ma part, je garde un souvenir très constructif d’entretiens d’évaluation réalisés par mes supérieurs hiérarchiques. Ils m’ont souvent permis de savoir où j’en étais, ont parfois aussi calmé mon impatience et au final, m’ont accompagné dans mon évolution professionnelle. Démarche que j’ai essayé de reproduire à mon tour vis-à-vis de mes collaborateurs, faisant de cet entretien un moment privilégié d’échange, de partage et de dialogue.
J’ai toujours considéré l’évaluation comme une discipline indispensable et positive. D’ailleurs, c’est toujours en passant par la case « auto évaluation » que j’ai pu définir mes priorités, objectifs et challenges. Cette démarche permet d’accroître son exigence vis-à-vis de soi-même et d’accepter d’entrer dans sa zone d’inconfort lorsque cela le mérite. C’est-à-dire dans le cas où l’on considère que le rapport « investissement personnel /Résultat » est cohérent et bénéfique pour notre évolution.
D’après moi, l’auto évaluation permet d’ancrer l’évaluation dans une démarche volontaire et non subie. La plupart d’entre nous sommes d’ailleurs souvent plus exigeant et plus dur dans leur propre évaluation que lorsqu’elle est menée par un tiers.
A bien y réfléchir, l’évaluation nous amène à tenter de répondre à la fameuse question existentielle « qui suis-je ? ». Et pourquoi avons-nous tous besoin de savoir qui nous sommes ? D’abord, pour exister vraiment. Plus nous savons qui nous sommes, et plus nous légitimons nos désirs et affirmons notre autonomie. Finalement l’évaluation de nos compétences, de nos connaissances, de nos talents, de nos pratiques, … n’est-elle pas une porte vers notre propre liberté ?
Vous l’avez compris, pour libérer tout le positif qui en vous, il faut d’abord évaluer ce que vous êtes en mesure de libérer pour vous-même et pour les autres. Pour ce faire :
o Oubliez votre vécu négatif sur l’évaluation et redonnez-lui une chance de vous aider à vous développer !
o Comparez-vous à vous-même afin de mesurer vos progrès !
o Acceptez la part de subjectivité inhérente à toute évaluation !
o Adoptez l’auto évaluation comme une discipline de vie !
o Ne soyez pas trop dur avec vous-même, sachez (auto) reconnaitre vos progrès !